(1968) Quartier Latin : Nuit des barricades
Le 10 mai 1968, à Paris, dans la salle de la Mutualité, à l'occasion du gala de soutien qu'il donne au bénéfice du journal "Le Monde Libertaire", Léo Ferré interprète pour la première fois en public "Les Anarchistes". Alors que déjà, au-dehors, le quartier Latin est en proie à l'émeute.
"Ils ont tout ramassé
Des beignes et des pavés
Ils ont gueulé si fort
Qu'ils peuv'nt gueuler encor
Ils ont le coeur devant
Et leurs rêves au mitan
Et puis l'âme toute rongée
Par des foutues idées"
Extrait des Anarchistes.
et aussi...
Du 10 au 11 mai 1968, Paris. "Nuit des barricades". Dès le début de la soirée, 20 000 manifestants occupent le quartier latin, qui prend un aspect insurrectionnel. Les rues se couvrent de barricades, certaines hautes de 3 mètres. La population sympathise avec les émeutiers. Après l'échec des négociations, à 2 heures 15, les CRS se lancent à l'assaut des premières barricades de la rue Gay-Lussac. La police ne prendra la dernière que trois heures plus tard, après de très violents affrontements qui feront plus de 350 blessés (dont 251 chez les policiers). 469 manifestants seront interpellés...
Le 13 mai 1968, France. La grève générale est effective. Elle fait suite à la nuit des barricades du 10 et 11 mai. A Paris, une immense manifestation de protestation rassemble une foule évaluée à 800 000 personnes. En tête du cortège, devant les syndicalistes, marchent les leaders étudiants, dont "l'anarchiste allemand" Daniel Cohn-Bendit. [ "Je ne suis ni complaisant, ni indulgent, ni rien", a déclaré le leader du mouvement de Mai 68 sur RTL. "Je dis simplement que ces mouvements expriment une angoisse. Cela ne veut pas dire que c'est juste", LeMonde, "Des étudiants qui tentaient d'organiser la contestation dans les universités après l'élection de Nicolas Sarkozy ont voté le déblocage du site de Tolbiac de l'université de Paris I, qui était occupé depuis 24 heures.", 10 Mai 2007] La police se retire de la Sorbonne et laisse place libre aux étudiants qui l'occupent dans une ambiance de révolution. Ils en font un forum permanent, ouvert à tous, où flottent drapeaux noirs et drapeaux rouges. Les slogans fleurissent sur les murs, et la poésie reprend ses droits. "Tout est possible"...Ephémérides Anarchistes : http://ytak.club.fr/mai2.html
https://paris.indymedia.org/breve.php3?id_breve=4774
Ce 10 mai, également date anniversaire de l’adoption par le Sénat de la loi Taubira désignant la traite et l’esclavage comme un crime contre l’humanité, incite d’ailleurs à se demander si toutes les mémoires ont vraiment droit au même traitement. Pourquoi la mémoire de l’esclavage, et pas aussi celle de la colonisation? De telles disparités risquent fort de déboucher sur une féroce concurrence des mémoires dans un espace jacobin qui ne laisse qu’assez peu de place à leur expression.
On l’a vu dès novembre 2005 lorsque, à la suite des émeutes de banlieue et de la libération des devoirs de mémoire, s’est mis en place le Conseil représentatif des associations noires (CRAN), conçu sur le modèle du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). Ses fondateurs, pour la plupart issus des DOM-TOM, citoyens français, plus en phase avec les modèles politiques du pays, avaient pu formuler de vraies revendications économico-politiques. Ceci contrairement aux Arabo-musulmans confinés à leur islam par l’organisation même imposée par l’État (et M. Sarkozy) en 2003, avec la création du Conseil français du culte musulman (CFCM).
Si la mémoire de l’esclavage ne touche pas directement les Français d’aujourd’hui tant son souvenir remonte à loin, celle de la colonisation reste un sujet politiquement explosif. En pleine campagne, M. Sarkozy ne disait-il pas: Le rêve européen a besoin du rêve Méditerranée. (…) Le rêve qui fut le rêve de Bonaparte en Égypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc. Ce rêve ne fut pas tant un rêve de conquête qu’un rêve de civilisation ». Cet éloge de la colonisation ne date pas de la IIIe République, mais de quelques mois. Le tri des mémoires se fait aussi par ordre de priorité politique.
À cela s’ajoute le souhait de donner au peuple l’image d’une France immaculée, d’une mère bonne et accueillante, comme celle qui avait accueilli la famille du président Sarkozy. C’est là ce qui lui fera dire encore lors de sa campagne: "La France n’a pas commis de crime contre l’humanité (…), la France n’a pas cédé à la passion totalitaire (…), la France n’a pas commis de génocide". Des zigzags historiques… qui ne trompent que ceux qui veulent être trompés. Au nom de l’unité – factice – de la France, va-t-on désormais réviser l’histoire?
Nous n’avons certes pas besoin d’une tyrannie des mémoires, et moins encore de toutes ces lois mémorielles susceptibles de brider la pensée et la liberté d’expression, nous ramenant à nos haines respectives et nous réduisant à nos identités bafouées. Mais, oui, nous avons un urgent besoin d’écrire l’histoire, une histoire qui fasse place à nos histoires multiples et diverses, avec ses heures glorieuses et moins glorieuses, à transmettre dès leur plus jeune âge à tous les citoyens du pays, avant que nous ne devenions étrangers les uns aux autres, enfermés dans le souvenir de nos souffrances passées face à un nationalisme arrogant et exclusiviste.
Les commémorations du 10 mai devraient le rappeler haut et fort.
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